La galerie des machines de 1889
Depuis que ce site existe, le mot-clé le plus utilisé pour s'y rendre est "galerie des machines", or je n'ai jusqu'à présent jamais fait d'article exclusivement consacré à ce bâtiment emblématique des Expositions universelles de Paris (jusqu'à présent uniquement quelques photos et peintures montrant essentiellement l'ampleur du bâtiment). Voilà de quoi y remédier.
Des galeries des machines, il en a existé un certain nombre avant 1889. Il y en avait déjà une à l'Expo de 1855, la première française. C'était une galerie assez étroite, mais faisant 1,2 km de long, placée sur les bords de la Seine, derrière le Palais de l'industrie. On en parle dans cet article sur l'Expo de 1855, et on la revoit dans la comparaison des palais des Expos.
Le nom "galerie des machines" a été utilisé par la suite pour nommer tout palais ou édifice qui rassemblait les différentes inventions dans les domaines industriel et technique (moteurs, machines à vapeur, etc.). En 1878, ce sont deux vastes bâtiments qui jouxtent le gigantesque Palais du champ de Mars. Mais l'édifice construit pour l'Exposition universelle de 1889 restera dans les mémoires pour ses prouesses architecturales et ses dimensions hors du commun, s'accaparant définitivement cette dénomination.
1889, c'est bien sûr la Tour Eiffel, mais c'est aussi le Palais des Beaux-Arts et celui des Arts libéraux, construits par Jean Camille Formigé (l'architecte des Serres d'Auteuil), et le Palais des industries diverses, par Joseph Bouvard, avec son dôme central aux lumineuses ossatures métalliques peintes en bleu, qu'on a déjà vu dans cet article. Un passage, la galerie de 30 mètres, le relie à un autre dôme, vu dans cet article, qui lui-même flanque un vaste édifice installé sur toute la largeur du Champ-de-Mars, juste en face de l'Ecole militaire : la Galerie des machines.
Vue générale de l'Exposition universelle de 1889. On distingue de gauche à droite le Palais du Trocadéro à gauche (1878), la Tour Eiffel centrale, les deux palais de Formigé de chaque côté du Champ-de-Mars, puis le Dôme central, diverses galeries latérales, et enfin l'imposante Galerie des machines
(in L'exposition de Paris, Librairie illustrée)
Plan de l'Exposition universelle de 1889. La Galerie des machines est ici tout à gauche. La majorité du Champ-de-Mars est recouvert des palais et pavillons de l'exposition
(Document Gallica.bnf.fr)
La galerie des machines est un exploit architectural aux proportions inégalées à l'époque. Il s'agit d'un immense hall sans appui intérieur, constitué de 20 fermes triangulées en acier, articulées aux pieds et au faîtage, une technique habituellement utilisée pour les grands ponts. Du fait de ces pivots à leurs pieds, les arches sont plus fines à la base qu'à leur sommet, ce qui donne toute l'originalité à l'édifice et à son architecture. Certains trouvèrent à l'époque l'ensemble peu élégant et donnant une étrange impression de fragilité et d'instabilité. D'autres saluèrent la légèreté de l'édifice et l'immensité de son espace intérieur. Vide, la galerie des machines semble léviter au-dessus du sol, tant ses pieds sont discrets.
L'espace intérieur, vide, de la Galerie des machines. La hauteur de la voûte comparée aux minuscules formes humaines au centre renforce l'aspect gigantesque de l'édifice
(photo Chevojon, 1889)
Plan de la Galerie des machines et détail de l'installation des pieds articulés des fermes
Installation des demi-fermes (on distingue sur ces plans l'articulation du faîtage reliant chaque moitié des fermes)
Détail et dimensions des fermes
Plan en élévation de la façade
Ainsi, avec une portée record de 115 m, pour une hauteur de 48,3 m (45 sous clef), l'édifice possédait les plus grandes voûtes au monde. Jusqu'alors, le record était détenu par la Gare Saint-Pancras de Londres, datant de 1868 et avec des fermes ayant une portée de 73 m pour une hauteur de 25 m. Les dimensions totales de l'édifice étaient de 115 × 420 m, soit une superficie de 8 hectares. Les surfaces vitrées quant à elles s'étendaient sur 34 700 m² (pour comparaison, le Grand Palais en a 14 900 m²). Son poids total était de près de 7 800 tonnes (la Tour Eiffel, elle, ne pesant "que" 7 300 t, le Grand Palais ayant quant à lui plus de 9000 t d'acier). Son coût final s'est élevé à près de 7,5 millions de francs (un peu moins que la Tour Eiffel, qui a coûté près de 8 millions).
Façade de la Galerie (gravure d'après la photo de H.-C. Godefroy)
Si la Galerie a été conçue par l'architecte Ferdinand Dutert , c'est l'ingénieur Victor Contamin qui était responsable de la conception technique de la galerie, notamment des calculs assurant l'intégrité structurelle des immenses arches. Les critiques ont longtemps salué l'aspect ingénierie – et le travail de Contamin – de l'édifice, même si ultérieurement, on a reconnu à Dutert l'exploit d'avoir pu combiner habilement esthétisme et ingénierie.
Le montage des fermes de la Galerie des machines en 1888
(gravure L. Hugel, in Charles-Lucien Huard, Livre d'or de l'Exposition. L. Boulanger, 1889)
L'Histoire a tendance à ne retenir de l'Expo de 1889 que la Tour Eiffel, mais la Galerie des machines aura su émerveiller les millions de visiteurs qui ont arpenté les allées sous sa haute voûte. Diverses attractions étaient d'ailleurs prévues pour admirer tant les inventions des exposants que la structure générale de l'édifice.
Un belvédère avec ascenseur, pour admirer d'en haut la galerie dans toute sa longueur
Un des ponts roulants qui permettaient de passer d'un côté à l'autre de l'édifice, au niveau des balcons intérieurs (le "promenoir des machines") qui flanquaient les côtés longs de l'édifice à 8 m de hauteur
(in Charles-Lucien Huard, Livre d'or de l'Exposition. L. Boulanger, 1889)
La Galerie des machines, après avoir servi pour l'Exposition universelle de 1900 – une immense salle de spectacle y fut installée au centre, pouvant accueillir 15000 personnes –, fut réutilisée par la suite comme vélodrome, avant que sa démolition ne soit finalement actée, en 1909-1910.
La salle des fêtes, au centre de la Galerie des machines, lors de l'Exposition universelle de 1900. Dans les deux côtés restants de la galerie fut installée, étonnament, la section Agriculture et aliments. Divers petits pavillons à l'architecture hétéroclite et rurale, illustrant la diversité des régions françaises, se dressaient sous l'immense voûte...
La destruction de la Galerie en 1910...
Plus d'infos (voir la page Références) :
» Paris et ses expositions universelles, collectif, Éditions du Patrimoine (catalogue de l'expo à la Conciergerie 2008-2009).
» Sur les traces des expositions universelles, Sylvain Ageorges, éditions Parigramme, 2006.
» Page Wikipedia française et anglaise